Nous sommes à Kaolack depuis quelques jours, accueillis par le directrice de l'alliance française. Kaolack, où les poubelles s'accumulent le long des rues, du saloum, des maisons, faisant perdre tout charme à cette ville écrasée par un soleil épuisant. Le thermomètre atteint des records depuis notre départ de France. 45 hier, 43 aujourd'hui, plus demain ? La saison sèche ne fait que commencer....
Aurélie, la directrice, nous conduit à Koutal Lépreux, un village de reclassement social où nous avons prévu deux jours d'ateliers. Shemsi et Maéla sont touchés, tripotés, bousculés, entourés de dizaines d'enfants joyeux qui n'ont jamais vu de petits blancs. Les longs cheveux de Maéla surprennent, ils sont tirés par les petites mains et Maéla pousse des hurlements de désespoir avant de se réfugier sur le toit du 4X4 pour observer sans être abordée.
Nous faisons la connaissance de El Hadji (le sage) qui coordonne les ateliers.
Le soir, il nous ouvre les portes de sa concession, nous logeant dans la chambre de son aîné.
Sa femme, certains de ses huit enfants, ses petits-enfants, quelques amis passent... il y a du monde sans arrêt dans la cour.
La nuit tombe, les matelas sont sortis, les enfants se couchent sous la lune, deux ou trois par matelas, ils s'endorment.
Farid sort la bouteille de pastis et nous sirotons sous la lune, goûtant la fraîcheur de la nuit, assis sur les chaises de plastique à parler avec El Hadji de sa vie, qui a basculé.
Circulaire présidentielle n° 194 PR-SG-JUR en date du 28 décembre 1967 relative au placement d’office des lépreux
"La présence dans les rues de Dakar et des grandes villes du Sénégal de lépreux qui importunent les passants a été maintes fois dénoncée comme une atteinte grave au prestige de notre pays et une entrave au tourisme. Après plusieurs réunions interministérielles, un village de lépreux interrégional réservé aux malades délinquants ou réfractaires au traitement vient d’être aménagé dans l’ancien camp pénal de Koutal, près de Kaolack."
El Hadji
El Hadji est né dans les années 45. Brillant à l'école, bon sportif, il poursuit sa scolarité loin de chez lui, à Kaolack. En 1962, il rêve d'un poste dans l'administration. La décolonisation est en cours, beaucoup de postes sont à pourvoir, son avenir semble tracé, il est très motivé. Il voit alors sur ses mains des taches apparaître. Il attend un peu, puis retourne discrètement voir son père dans son village. Ensemble ils consultent un marabout qui leur donne des plantes à déposer sur ses mains. El Hadji repart à l'école, mais voit bien que les décoctions n'ont pas d'effet. Son père, de son côté, se renseigne et vient le chercher pour aller consulter un médecin. Avant même de faire les tests obligatoires, le médecin sait que c'est la lèpre.
La lèpre, maladie de la honte, de l'exclusion. Les lépreux sont cachés par leurs familles, isolés, reclus, d'une part pour éviter d'autres contaminations, mais également parce qu'elle est le reflet d'une lourde faute morale. Et si le malade n'a rien à se reprocher, c'est qu'il porte la charge morale d'un ancêtre.
El Hadji retourne à l'école, les gens s'écartent autour de lui, s'éloignent, ses camarades ne s'approchent plus. Quelques semaines plus tard, il part pour Koutal Lépreux, un des villages de reclassement social mis en place par le gouvernement où les malades sont rassemblés pour vivre ensemble.
El Hadji arrive dans ce village à l'âge de 17 ans. Le gardien l'accueille et il rencontre ses pairs, à des stades parfois avancés de la maladie, rongés, mutilés. Il panique, il sait qu'il n'a plus d'avenir et tout s'écroule. C'est le seul lettré, tous ses rêves dans l'administration s'effondrent.
A cette époque-là, le traitement n'est pas très efficace. Ses doigts se crispent, ses membres s'abîment, une de ses jambes tombe. Mais il se marie avec une femme non lépreuse, il écrit, il lutte pour leurs conditions de vie. Il ouvre une école et enseigne aux enfants des villageois.
En 1980 un nouveau traitement arrive, qui stoppe la maladie en un an. Tout le village est soigné, guéri... restent les mutilations d'antan.
Aujourd'hui, El Hadji a réussi à faire scolariser certains enfants de sa communauté dans l'école du village à côté, il a ouvert une boulangerie, un prêt aux céréales, une banque de micro crédit...
Il veut construire des cases pour les 22 vieux très invalides et sans famille du village, rêve d'offrir un avenir aux jeunes qui l'entourent.
Alors il prend son bic et son papier blanc et il écrit des lettres pour informer sur leur situation... et ses mémoires.
C'est là que nous sommes intervenus pour les ateliers. Ateliers assez durs d'ailleurs, barrière de la langue, du temps... débordement d'enfants. Le lendemain nous nous enfermons avec notre groupe dans l'école, un gardien, caillou à la main, empêche toute intrusion auprès de nous. Le groupe prend forme au troisième atelier, c'est parti, les jeunes jonglent, les filles font des portés... ouf, nous aurons réussi quelques chose !
En partant, je laisse quatre invitations à El Hadji pour le spectacle de demain, ainsi que le prix du transport pour venir à l'alliance.
Viendra-t-il avec ses enfants ? Lui qui pendant 30 ans devait obtenir des autorisations médicales pour chaque visite ?
Shemsi
On est allés faire des ateliers dans un village où avant il y avait une maladie qui s'appelait la lèpre. La lèpre c'est une maladie qui commence par des taches et après ça ronge la peau, ça abîme les doigts. Y'a plus la lèpre comme maladie dans ce village, mais des gens l'ont eu. On a fait deux groupes d'ateliers, un groupe qui faisait le jonglage et un groupe qui faisait les pyramides. On s'est mis dehors. Y'avait des petits (100 au moins !) qui regardaient et qui s'approchaient de plus en plus. Papa et maman ont fait des ateliers avec des primaires, mais c'est des hyper très très grands, comme des adultes. On a mangé chez un homme, le seul vieux du village qui savait lire et écrire. On a mangé du riz avec des légumes et du poulet. Il a eu la lèpre, mais il est soigné, il l'a eu aux mains et ça se voit un petit peu encore.
El Hadji
Vendredi 24 avril 2009
Notre présence ici n'a de sens que lorsque l'on joue.
Le problème c'est que notre séjour au Sénégal est trop long comparé au nombre de spectacles que l'on joue. Des annulations, quelques dates repoussées, et notre séjour ici s'est allongé, au détriment des pays qui suivent où nous allons cavaler.
La vie au Sénégal coûte cher et la chaleur est devenue telle que tout devient difficile. Il fait trop chaud pour sortir, trop chaud pour rencontrer, trop chaud pour s'agiter, alors aussi étrange que cela puisse paraître, on s'ennuie.
Quand on ne joue pas, qu'on ne donne pas d'ateliers, que l'on est plusieurs jours dans la même ville, on se demande parfois ce qu'on fait là, loin des fureurs et de l'agitation française...
Et puis arrive le jour du spectacle et le miracle de nos projecteurs qui s'allument malgré les kilomètres de pistes cabossées qu'on leur a fait subir.
Et puis arrive le jour où les gens se déplacent pour nous voir. La directrice a réussi à faire venir 55 enfants d'un villages SOS qui débarquent leurs 400 CFA à la main pour payer leur place.
Et puis arrive le jour où El Hadji a pris le bus avec ses deux filles et un ami pour venir nous voir.
Ce jour-là, tout le monde est content. Les spectateurs "n'ont jamais vu ça", les artistes sont heureux de présenter leur travail. Des mois de labeur, de répèt, de constructions, de doutes, et des milliers de kilomètres déjà.
Ce jour-là... cette heure-là, panse toutes les autres.
C'est quand la prochaine ?
Lundi 27 avril 2009
On va mettre ça sur le compte de mon ordi qui ne marche plus. Plus d'ordi, plus de calendrier n'est ce pas...
Donc, en retard, mais avec le coeur, la série d'anniversaires à ne pas oublier !
L'année dernière à la même date, je les fetais de Colombie !
19 avril, Pablo, Catherine et le papa d'Hélène.
23 avril, Yorick
Qu'on se le dise tout de même...
Jeudi 30 avril 2009
Ai je prononcé le mot "ennui" ? Nous arrivons à Dakar pour une ou deux dates, assez improbables puisqu'il nous est impossible d'avoir des confirmations d'horaires et de lieux.
A peine arrivés à l'école Ste Marie de Hann, on nous annonce la couleur : "vous jouez quatre fois demain, les représentations commencent à 9 h !" Panique dans les rangs. 4 fois ? Impossible ! Et si la première est à 9 h, il faut commencer le montage maintenant. Nous répartissons les 4 représentations sur deux jours, ils négocient les prix.
Ste Marie de Hann est une école tentaculaire. 4600 élèves, 500 enseignants !
Le lendemain matin, à 9 heures, 450 petits nains de maternelle pointent leur nez dans l'amphithéâtre. Impressionnés, silencieux, ils s'installent sur les bancs trop grands pour eux.
Planqués derrière le décor, nous attendons. Ibaba commence le discours :
- Bonjour les enfants, ça va bien ?
Et 450 petites voix répondent en chœur un "oui" qui résonne dans la salle. Trop mignon !
- Aujourd'hui, nous avons la chance d'accueillir une troupe de cirque français.
- Ouiiiii !
- C'est un spectacle avec de la magie, du jonglage et du théâtre.
- Ouiiiiiiii !
- Alors pour le théâtre, il faut se taire et bien regarder si on veut comprendre l'histoire.
- Ouiiiiiii
- Je ne vous demande pas de répondre, je vous demande de vous taire !
- Ouiiiiii !
(là, ça ne devient plus mignon de tout !).
- Les enfants, écoutez moi, il faut mettre sa main devant sa bouche maintenant et ne plus parler !
- Ouiiiiii !
- Non, ne répondez pas ! Et taisez vous !
Silence hésitant... et là, la question qui tue :
- Vous m'avez compris ?
Devinez ce qu'ils ont répondu ?
Vingt minutes après la première, les CP-CE1 débarquent à leur tour. 450 grimlins à nouveau. A peine le temps de raccrocher quelques fils, passer le balai, réinstaller tout, ils envahissent l'espace, beaucoup moins silencieux que leurs petits frères. Le brouhaha monte, Ibaba tente un nouveau discours :
- Bonjour les enfants. Pour regarder ce spectacle, il faut faire le SILENCE, le premier qui parle, je le mets dehors, il faut faire le silence, sinon ça ne va pas être intéressant. Marion et Farid veulent le silence. Il est interdit de parler ! Surtout N'APPLAUDISSEZ PAS !
En coulisse, on rit jaune. Farid réagit et chuchote de derrière : "si, si, ils peuvent applaudir !"
- Bon, rectifie Ibaba, alors vous pouvez applaudir un petit peu !
Le discours semble avoir fait son effet. Lumière, musique, Farid sort de la malle, applaudissements, quelques cris de joie et de surprise. Quelques minutes après, j'entre sur scène à mon tour et là (?)... ils HURLENT tous ensemble de bonheur.
A partir de là, j'assiste au spectacle le plus bruyant de mon existence. Chaque geste est ponctué d'un cri qui l'accompagne : Je sers un verre à Farid, un cri (enfin un cri... 450 cris quoi), je me sers, un cri, Farid échange les verres, des rires, on soulève le plateau, des hurlements de rire. L'amphithéâtre tremble. Epuisant. J'ai envie d'abandonner ! Pourtant ils sont avec nous, à fond, surexcités par cette sortie originale, incontrôlables.
L'après-midi, des parents viennent nous voir " mon fils voulait me montrer la salle, il n'arrête pas de me parler de votre spectacle, merci". Des enseignants : "Ils sont tous fait des dessins de vous, ils ont adoré ! ". On a donc beaucoup parlé de nous après cette matinée, nous en revanche, on a mis la journée à s'en remettre.
Dire qu'on remet ça demain....
........
Dans la bibliothèque, un petit qui a vu le spectacle m'aborde :
"Ah ! mais vous êtes une fille ?"
- Oui pourquoi ?
- Je croyais que vous étiez un garçon déguisé en fille..."
...
Même pas mal !
Jeudi 7 mai 2009
Nous attaquons ce matin aux aurores la route qui mène de Kaolack à Tambacounda.
On nous a prédit le pire : des pneus qui éclatent, 45° toute la journée, une route infernale...
Sans la clim et avec la remorque nous sommes peut-être mal barrés...
Nous partons pourtant de très bonne humeur... nous avons joué 8 fois en Sénégambie et avons fait de belles rencontres qui laissent entr'apercevoir une tournée future...
Et en même temps, nous sommes contents de changer de pays, de reprendre la route, d'aller jouer ailleurs...
Départ donc pour Bamako (Mali) où le CCF nous attend pour deux dates le 15 mai. Nous prévoyons de mettre trois à quatre jours pour y parvenir, puis de faire tous les visas qui nous manquent pour la suite du périple.
La première étape s'est finalement bien passée : il a fait chaud mais le ciel était voilé, la route avait quelques tronçons de goudron et chaque fois nous espérions qu'ils iraient jusqu'au bout, l'ordinateur a repris sa fonction de babysiter à l'arrière. Il y avait même du camembert pour le pique-nique du midi, dégoté la veille à Mbour... bref, que du bonheur !
Sept heures après notre départ, nous avions parcouru les 270 kms de route pour rejoindre Tambacounda et avons posé sans complexe nos habits rouges de latérite au bord de la piscine d'un hôtel.
Demain, la route doit nous mener jusqu'à la frontière.
Mali, nous voici !
Dimanche 10 mai 2009
J'ai arrêté la magie au Sénégal. Parce que l'impact est trop grand, les règles du jeu ne sont pas les mêmes. Ou plutôt pour eux il ne s'agit pas d'un jeu. Là où n'importe quel occidental se laisse séduire et éventuellement admire la supercherie, il n'y a ici que djinns, démons, féticheurs et marabouts... et ce n'est pas drôle du tout en fin de compte de se sentir obligé de se justifier. De devoir prouver.
- Tu es envoutée ?
- Non, il y a un truc.
- Ah ! oui : tu as du boire quelque chose !
- Non je n'ai rien bu.
- Tu n'as pas bu de potion ?
- Non, je n'ai rien bu, je te dis que quelqu'un m'a appris le truc.
- La formule.
- Le truc, la combine, la magouille, le secret.
- Quelqu'un a mis quelque chose dans ton corps pour y arriver...
Une vraie discussion de Potterien.
ou alors :
- Tu fais de la magie ?
- Oui, tu veux que je te montre quelque chose ?
L'homme recule mi intéressé, mi paniqué :
- Ah ! tu ne fais rien sur moi, hein !
Il faut dire qu'au Sénégal, malgré les 90 % de musulmans, tout le monde a un marabout. La photo du ou des marabouts qui veille sur la personne trône dans sa chambre, parfois dans sa boutique, sur sa voiture. Des gens comme Fatou ou El Hadji sont musulmans depuis quelques années. Comme la plupart des gens avec qui nous en discutons, ils se sont convertis, il y a 3 ou 4 ans. Mais leur conversion à l'islam n'enlève en rien leur pratique maraboutique.
Le marabout est là pour tous et pour tout. El Hadji nous a ainsi raconté que dans son village, le marabout était très fort. Son fils aîné est allé le voir la veille de son concours d'instituteur et a obtenu le premier prix ! El Hadji reconnaît que le travail de son fils y est aussi pour quelque chose... mais tout de même !
Bref, avec toutes les formules, les secrets et les pratiques sénégalaises, ma magie de toubab ne trouvait pas la place que je voulais lui donner.
Alors j'ai laissé tomber.
...........
Après le spectacle à Saly, les enfants de CP nous ont fait des dessins, en voici quelques-uns...
A croire que tout le monde en veut à mon physique !
Cette espèce de chose sur le dessin de ce petit CP, là, en bas, ce truc à quatre pattes qui ressemble à un cheval...
Et bien c'est moi !
Dimanche 10 mai 2009
C'est aussi simple que cela. Monter dans sa voiture, mettre de l'essence, et rouler. Rouler. Rouler.
Boire des litres d'eau et mettre son visage transpirant dans le courant d'air de la fenêtre pour ventiler.
Faire tamponner ses papiers.
Et déguster une bière fraîche à l'arrivée.
Nous sommes à Bamako.
Nous avons tout traversé et tout s'est bien passé.
Ca parait une montagne quand on prépare depuis la France, à chercher toutes les raisons pour partir mais aussi pour se retenir. Et puis une fois sur la route, c'est tout simple.
Il suffit de monter dans sa voiture, mettre de l'essence et rouler. Rouler. Rouler.
Sur la route Dakar-Bamako :
Future omelette
....
J'en prends pour mon grade :
Un homme discute avec moi dans la rue. Il me demande où est mon mari. Il est à l'hôtel. Il me demande à qui sont ces enfants. Les miens. Il me demande si mon mari a déjà pris une seconde femme. Pourquoi faire ? La première est parfaite !
Il me regarde de haut en bas et répond :
- Parce que tu as déjà deux enfants, et puis tu as vieillis !
Vendredi 15 mai 2009
Par Maéla - 15 mai 2009
Aujourd'hui, je vous dis que quand j'ai fait le Hénné à Bamako, c'était pas pareil qu'au Maroc !
Il y avait une dame qui mettait des fils blancs qui collaient à la peau. Avec une lame de rasoir, elle coupait au fur et à mesure qu'elle avait placé les fils collants. Ensuite, elle a mis une poudre sur les fils, de l'eau pour étaler, des sacs plastique sur les mains et elle fait un nœud.
Ensuite quand tu arrives chez toi, tu demandes à ta maman ou à ton papa quand ça fait une heure.
Une heure après que tu sois rentré chez toi, tu enlèves le sac plastique et tu vas te laver les mains. Tu enlèves les fils et le henné. Quand tu as tout enlevé, tu retrouves ta main pleine de henné orange. C'est comme ça qu'on fait le henné ici.
Bisous
Vendredi 15 mai 2009
En nous enfonçant dans les terres nous avions deux solutions : soit nous épuiser en transpirant, soit nous ruiner en nous climatisant.
Nous avons opté pour la deuxième solution et avons lâchement abandonné notre véhicule trop chaleureux.
Nous faisons donc constamment des va et vient entre le véhicule et nos chambres d'hôtels, déchargeant et rechargeant à qui mieux mieux et cherchant différentes méthodes pour ne pas être trop bordéliques et avoir toujours l'essentiel. Et ça...
Diabète un jour, diabète toujours.
Ne jamais oublier le dextro, le sucre, la collation en cas de besoin, la piqûre de secours. Nous qui avions l'habitude de nous balader sans rien, nous sommes toujours équipés.
Ne jamais laisser le sac avec le dextro quelques minutes dans une salle que quelqu'un pourrait fermer à clef... ne pas aller visiter quelque chose "juste à côté" sans le prendre, les distances n'étant pas les mêmes pour tout le monde. Impossible d'être "à vide".
Le diabète et le cœliaque sont des maladies qui empêchent toute spontanéité vis à vis de la nourriture. Pour Shemsi, il faut toujours calculer, réfléchir, ne jamais grignoter, ne jamais se laisser aller.
Pour les repas, nous arrivons la plupart du temps à les équilibrer. Les chiffres de la glycémie sont d'ailleurs assez bons.
L'Afrique simplifie les choses car il n'y a pas de consommation excessive. Le quotidien se gère bien.
Mais rien n'est oublié et les frustrations sont prêtes à surgir. A Saly par exemple, Shemsi a refusé d'aller à un anniversaire sachant qu'il ne pourrait pas partager le goûter.
Lui qui n'était pas passionné par la nourriture, rêve devant des affiches d'aliments, zape sur des émissions culinaires, veut devenir boulanger/patissier (pour une intolérant au sucre et à la farine c'est pas mal !).
Les piqûres... il les supporte stoïquement, rarement avec des larmes quand on pique mal. Son nouveau jeu est de s'enfuir en courant quand on sort les seringues, mais c'est pour le plaisir de nous voir lui courir après. Maéla le regarde en fronçant les sourcils et dit parfois : "T'as pas le choix, si t'as pas tes insulines, tu vas mourir". Au moins c'est dit...
Et comme la vie est bien présente chez lui toujours énergique et curieux, il accepte le traitement.
C'est plus simple pour nous les parents. Quand l'un de nous en a marre de faire les piqûres, il demande à l'autre. On s'échange cette charge qui au quotidien, devient triste. Mais pour Shemsi, impossible d'échanger.
C'est 4 injections par jour, tous les jours.
Depuis le départ en Afrique, ça en fait déjà 480 !
Pendant les spectacles
Shemsi et Maéla ont déclaré forfait à Zinguinchor et ils trouvent toujours une méthode pour échapper à nos représentations. On en est à la 23ème depuis le départ, ils l'avaient déjà vu plusieurs fois en France. Trop c'est trop !
Ce matin par exemple, ils se sont cachés sous les pendrions de la salle du CCF, sur un petit matelas et ont donc dû voir nos pieds sur scène. D'autre fois, ils se mettent dans le 4X4 avec un bon dessin animé ou une bd et l'interdiction de se disputer.
En revanche, ils nous donnent toujours un coup de main pour les montages, les démontages parfois les relations publiques... A Kaolack, ils ont mis des perruques, et bras-dessus bras-dessous sont allés au bar. Ils se sont accoudés à côté des spectateurs et ont crié : "on veut une flag !"
(c'est la bière Sénégalaise).
Suite du programme
Nous jouons ce soir, une deuxième fois au CCF de Bamako. Puis rangement des lumières, du décor, chargement.
Et demain nous partons de bonne heure pour le Ghana, via le Burkina.
Une longue route nous attend. Nous entrons dans notre sprint final en Afrique de l'ouest : encore 8 spectacles en trois semaines et pas mal de centaines de kilomètres...
Mardi 19 mai 2009
Bamako (Mali) - Bobo (Burkina) : 11 heures de route
Bobo - Bolgatanga (Ghana) : 11 heures de route
Bolga - Kumasi : 9 heures de route
Nous y sommes. Accueillis dans un majestueux hôtel, nous nous reposons de ces trois de jours de... route, route et route.
On ne racontera pas :
Les étals de mangues, du Mali au Ghana, ou des dizaines de femmes déposent au bord de la route des dizaines de paniers remplis de fruits.
La petite chèvre qui s'est fait pulvériser par le bus qui nous dépassait.
Les pique-niques avalés dans le véhicule.
L'âne qui s'est fait culbuter sur la voiture arrivant en face explosant son pare-brise puis agonisant sur le bord de la route.
La douane Ghanéenne équipée d'ordinateurs pour transférer les données par internet, mais avec un réseau en panne et nous, du coup, coincés à la frontière.
Les camions, surchargés et ceux accidentés tout le long de ces centaines de kilomètres.
Le paysage de plus en plus vert au Ghana, les arbres formant des arches au dessus de la route.
Notre panique linguistique en entendant parler anglais autour de nous.
Le bonheur des enfants en plongeant dans la piscine de l'hôtel où nous avons fini par arriver et le plaisir des parents de jouer dans ce pays qu'ils ne connaissent pas.
Pour le plaisir, nos dates au Ghana :
• 20 mai : Alliance française de Kumasi
• 23 mai : Alliance française de Takoradi
• 26 mai : Alliance française de Cape Coast
• 29 mai : Alliance française de Accra
• 31 mai : Alliance française de Tema
Jeudi 28 mai 2009
Côté route
Nous avons traversé le Ghana. Déjà du nord au sud, de Bolgatanga à Takoradi. Puis de l'ouest à l'est, d'Axim à Accra.
Partout où nous passons, nous sommes chouchoutés comme jamais. Peut être parce que la communauté francophone est petite dans les villes où nous passons ? En tous cas, on nous réserve le meilleur accueil, les meilleurs hôtels, de belles rencontres... de quoi nous faire regretter la fin proche de cette première étape de voyage !
Au fil des kilomètres en terre ghanéenne, le paysage change encore, la chaleur se transforme en moiteur. Sur le bord de la route, les spécialité locales sont à vendre. Nous avons abandonné les paniers de mangues pour voir des étals d'escargots géants à vendre, la coquille grosse comme un bon pamplemousse. Les premiers que nous voyons sont toutes cornes dehors, étalant leur énorme pied sur une écuelle en alu. Très appétissant !
Plus au sud, la mode est au gros rongeur, vidé, crucifié, fumé et vendu à plat, côtes à l'air et les pattes attachés sur deux branches croisées. Les vendeurs brandissent leurs trophés... on n'a pas essayé non plus.
Le paysage nous réserve d'autres surprises : nous apercevons des champs de caoutchouctier, lâchant leur sève blanche dans les gobelets attachés sur leurs troncs mutilés. Nous voyons les mines d'or, celles officielles et celles "sauvages", où des dizaines d'hommes transpirent sous terre au péril de leur vie et d'autres tamisent pour récupérer le précieux métal. Quelles que soient les recherches, elles laissent la terre retournée et les cours d'eau pleins de mercure et d'arsenic. Le Ghana s'appelait la Côte de l'Or et ce n'est pas pour rien. La rumeur dit que les filons retrouvés ici pourraient changer le cours de l'or dans le monde et que, quand il pleut dans le nord du pays, les pistes de latérite brillent...
Nous avons abandonné les mosquées pour des églises. Le Ghana est chrétien... et pas qu'un peu. Ecole chrétienne, église partout, hôpital pentecôtiste, même sur la télé où nous zappons, nous tombons sur le jeu : "mémorial bible quizz"... Les fidèles donnent 10 à 20 % de leur salaire à l'église plus les dons du dimanche. Même la messe de 4h du matin est assidûment fréquentée. Cette fureur religieuse qui s'affiche sur les panneaux, dans les noms des boutiques, sur le moindre bâtiment est déstabilisante.
Côté spectacle
Un nouveau pays, de nouvelles réactions. Le spectacle est apprécié, les gens s'amusent, s'esclaffent, s'enthousiasment. Nous avons aussi de longs moments de silence pendant les temps de jeux et comme souvent quand nous sommes à l'étranger, le "nouveau cirque" attire du monde et nous remplissons presque toujours les salles.
Il ne nous reste plus que quatre représentations en Afrique de l'ouest : Deux au Ghana, une au Togo, une au Bénin. Cette fois on compte les jours et les spectacles qui nous séparent de la fin ! Les prises des projecteurs ont été démontées... ici les fiches sont anglaises et les adaptateurs ne suffisaient pas car nous prenions des coups de jus en touchant les gradateurs.
Côté itinéraire
Le moral des troupes est au beau fixe. Tout ce confort a bien rechargé les batteries et presque fait oublier les kilomètres de chaleurs poussiéreuses. Pour la suite, nous hésitons toujours. Accra et ses transitaires nous donnent envie de mettre le véhicule sur un cargo pour l'Afrique du sud. Mais si les devis ne concordent pas avec les budgets de la compagnie, nous rentrons en France avec, refaisant au plus vite et au plus court la route qui nous a conduit jusqu'ici. Notre première date en Afrique du sud est début septembre. Nous avons donc tout l'été pour nous organiser
frontière Burkina/Ghana
Saison des pluies ! La tempète arrive !
Etat de la route
Sur la route - Mosquée
Nouveau pays, nouvelle coupe !
Escargot Ghanéen (photo google)
Vendredi 5 juin 2009
Nous voici à Cotonou (Bénin) pour notre dernière date en Afrique de l'ouest. Avant hier à Lomé (Togo), deux jours avant à Accra (Ghana)... notre périple en spectacle prend fin ce soir devant le public du centre culturel français.
Demain, nous resteront les souvenirs de cette épopée artistique et surtout la longue route du retour qui nous ramènera en France avant de repartir en Afrique du Sud en septembre.
Plus de nouvelles plus tard, il y a tant à dire sur ces derniers jours aux multiples frontières et aux nombreuses rencontres.
Dimanche 7 juin 2009
Le spectacle d'hier était une belle réussite. 700 spectateurs, 150 personnes qui ne peuvent rentrer faute de place. Un sans faute technique. Une belle dernière, quoi. Le public applaudit longtemps avant que Farid puisse parler, puis les lumières se rallument éclairant les chaises face à nous. Impressionnant cette foule !
Nous avons fini en beauté notre épopée artistique.
Nous nous levons à 3H pour emmener nos enfants et Caroline -ma mère venue quelques jours- à l'aéroport. Pour nos petits loulous l'aventure se termine là. De notre côté, nous avons pris la décision de remonter en France avec le 4X4 et de trouver une autre solution pour la tournée qui nous attend en Afrique du Sud en septembre. De longs jours de route nous attendent.
A 17 heures nous trouvons un téléphone dans les montagnes Togolaise. le père de Farid décroche de l'autre côté. Les enfants sont arrivés ! Magie de l'avion, miracle du temps. Ils nous répondent là-bas, alors qu'ici, les kilomètres se franchissent lentement. Nous sommes soulagés de les savoir à bon port. Mais dans le 4X4, plus d'enfants pour crier, parler, exiger, caliner.... nous sommes tous les deux tous seuls sur la route... même si les paysages sont exceptionnels, ça fiche un peu le cafard.
Vendredi 12 juin 2009
Le fil de nos souvenirs défile au fil des kilomètres. Nous sommes déjà passés par là et les sourires des pompistes ou des douaniers qui nous reconnaissent me troublent. L'asphalte s'allonge devant nous sur plusieurs milliers de kilomètres et Farid conduit, impavide, un bras bronzé à la fenêtre, l'autre plus pâle sur le boîtier de vitesse. Nous quittons les montagnes togolaises pour la brousse burkinabaise puis les plaines saheliennes. Nous laissons les églises pour retrouver les mosquées. Nous nous éloignons des paysages verdoyants pour retrouver une terre de plus en plus desséchée où les femmes par centaines creusent des sillons, une petite pioche à la main.
Les kilomètres se comptent déjà par centaines, les images par milliers. Je n'arrive pas à quitter la fenêtre des yeux, envoutée par le temps qui s'écoule sous mes yeux. Chaque village a sa particularité : ici ils ne vendent que des oeufs, là que du pain, que des mangues ou que des pots. Ici ils se déplacent à pied, là par centaines à vélo, en charrette, à dos de zébu. Partout au moindre geste, les sourires s'affichent, les "bon voyage", alors que notre véhicule traverse leur village sans prendre le temps de se poser, de les rencontrer, de les connaître, trop impatients que nous sommes de retrouver nos enfants et de préparer la suite du voyage.
Nous sommes déjà passés par là, nous nous sommes arrêtés ici, nous y avons dormi ou rencontré quelqu'un, nous avons joué notre spectacle ici et là.
Nioro du Sahel, Kiffa… nous brûlons. L'harmattan est si chaud, si fort, que nous n'ouvrons plus les fenêtres du 4X4, préférant cuire à l'étouffée plutôt que desséchés par le vent. Dès que nous mettons un pied dehors, nos oreilles se transforment en brasier.
C'est au milieu du désert que nous tombons en panne. D'un coup, comme ça, le véhicule vient s'échouer sur le bas côté de la route : impossible d'accélérer. Je pense avec bonheur aux dix litres d'eau que nous avons pris en partant. Rien à l'horizon. Indécis, nous soulevons le capot, Farid plonge sous le moteur. Notre ignorance n'a d'égale que notre perplexité. Un camion passe. Un petit signe de la main, il s'arrête et 5 hommes en descendent. Le chauffeur regarde le moteur et demande :
- Essence, diesel ?
- Diesel.
- Y'a diesel ?
- Oui, y'a diesel.
- Allume.
On met le contact, il plonge la main dans le moteur, appuie sur un clapet.
- Fais marche.
Le moteur ronronne.
Le désert a droit à sa petite danse de la joie !
Lundi 22 juin 2009
Rien ne l'arrête...
Ni les cases au Togo
Ni les animaux décimés sur la "route de l'espoir"
Ni les extraordinaires publicités burkinabaises
Ni les carcases des véhicules dans le No Mans's Land Marocain.
Farid, impreturbable, conduit et parcourt de grandes étapes :
Cotonou (Bénin) - Kara (Togo)
Kara - Ouagadougou (Burkina)
Ouaga - Ségou (Mali)
Ségou - Nioro du Sahel
Nioro - Kiffa (Mauritanie)
Kiffa - Nouakchott
Nouakchott - Dakhla (sahara occidental)
Dakhla - Tarfaya (Maroc)
Tarfaya - Marrakech
Marrakech - Tarifa (Espagne)
Tarifa - Valencia
Valencia - Crest (France - Drôme).
Et pour ceux qui aiment les chiffres : 12 jours de routes retour et 8400 km.
Et une moyenne de.. 66 km/heure !
Ainsi s'achève la première partie du périple. Nous n'avons pas trop le temps de nous poser, il faut ranger et déjà les répétitions reprennent. Ce n'est peut être pas plus mal d'enchaîner, même si les premières nuits nous roulons beaucoup dans nos rêves !
La suite du périple se prépare déjà, rendez vous en septembre !
Vendredi 25 septembre 2009
Ca y est...
Le 4X4 et la remorque sont vendus, la structure est découpée pour rentrer dans la soute de l'avion, les caisses sont fermées, les kilos pesés, les habits réduits au strict minimum...
Y'a plus qu'à.... l'avion décolle demain.
Et bientôt sur le blog, les nouvelles chroniques de notre périple africain !
Pour le plaisir, les dates de notre tournée en Afrique Australe :
Swaziland
• 3 octobre - Alliance française de Mbabane
Afrique du Sud
• 7 et 8 octobre - Lycée français de Johannesburg
• 9 octobre - Alliance française de Pretoria
• 10 octobre - Alliance française de Johannesburg
• 15 octobre - Alliance française de Durban
• 17 octobre - Alliance française de Johannesburg
Botswana
• 19-20-21 octobre - Atelier à l'Alliance française de Gaborone
• 22 octobre - Alliance française de Gaborone
Namibie
• 31 octobre - Alliance française de Windhoek
Afrique du Sud
• 7 et 8 novembre - Alliance française de Cape Town
• 13 novembre - Alliance française de Port Elisabeth
Vendredi 2 octobre 2009
J'ai été fauchée en plein élan par un abcès à l'ovaire, aggravé par une péritonite.
Urgence, opération...
Et nous voilà encore en France, avec une grande fatigue...
due aux suites de la maladie et aussi à cette succession de problèmes médicaux cette année...
Nous ne partirons donc pas en Afrique du Sud pour la tournée initialement prévue.
Pas tout de suite en tout cas.
Le projet sera probablement repoussé... on espère...
Mais en attendant, nous allons nous reposer, nous remettre de ces émotions et reprendre pied chez nous, dans la douceur et la créativité...
Des nouvelles bientôt...